“Les familles impliquées dans le commerce équitable sont moins concernées par l’exil”
De quelle manière Guaya’b est impacté par l’émigration vers les Etats-Unis ?
Nous assistons à un grand nombre de départs vers les Etats-Unis. Nous estimons que 10% de la population guatémaltèque a migré. Le coût de la migration est énorme. Les Guatémaltèques passent par des réseaux illégaux de traite des êtres humains qu’ils mettent des années à rembourser. Heureusement, le commerce équitable change un peu les choses. Les prix pratiqués sont meilleurs et les offres complémentaires comme la prime, l’appui technique ou le suivi qualité, sont appréciables. Les familles impliquées dans le commerce équitable sont moins concernées par l’exil.
Néanmoins, la relève générationnelle est difficile. L’une des conséquences de la migration est la déstructuration de la société. Les jeunes se retrouvent sans père, sans transmission de terre et ne voient pas d'intérêt à poursuivre l'agriculture. Certain·es quittent l’école et se retrouvent vulnérables face à la délinquance et à la drogue. La conséquence est un manque de main d'œuvre pour la récolte du café. Nous assistons à la perte des récoltes car la période de cueillette dure une semaine et ne peut être différée. Guaya’b essaie de faire évoluer le problème de la transmission des terres et du renouvellement générationnel. L’association a un projet depuis 2 ans en apiculture pour favoriser la transmission des terres aux jeunes à travers l’achat de ruches et d’équipements.
Les prix du commerce équitable sont-ils satisfaisants pour vous ?
L'ensemble de notre production respecte les conditions du commerce équitable. Or seulement 70% de notre miel et de notre café sont vendus sur le marché du commerce équitable (Etats-Unis, Espagne, Autriche, France…) par manque de débouchés commerciaux. En France, le réseau Artisans du Monde est notre unique distributeur. Au Guatemala, nous écoulons une toute petite partie de notre production sur le marché local, à travers notamment Asobagri qui possède un lieu en ville pour y déguster les grands crus. La compétition avec les multinationales reste difficile pour élargir le marché local et l’accès aux supermarchés est cher. Bien sûr, chaque producteur conserve une partie de sa production pour sa consommation personnelle et celle de sa communauté, en procédant à une transformation artisanale. Le reste de notre production de café et de miel est vendue aux “coyotes”, des intermédiaires achetant au comptant les productions à un prix plutôt bas. Malgré cela, la situation de Guaya’b demeure meilleure que celle d’autres coopératives.
En revanche, l’inflation affecte toute la chaîne de valeur ainsi que les familles. C’est un déséquilibre qui fait peser le risque que les producteurs cessent la production de café. Aujourd’hui, la situation est assez difficile : les coûts de production sont très élevés alors que les cours sont en baisse. Les prix sont trop bas. Le futur est incertain, c’est une source de forte préoccupation. D’ailleurs, GEPA, centrale d’achats de commerce équitable allemande, a annulé sa commande en raison de la hausse des prix du gaz en Europe qui rendait ses coûts de transformation du café trop élevés. Les producteurs ont tendance à penser que l’an prochain sera meilleur !
De quelle manière le commerce équitable contribue-t-il à améliorer la vie des personnes marginalisées ?
Dans notre région, le gouvernement n’intervient pas, ne déploie pas d’infrastructures. La population ne bénéficie d’aucun appui gouvernemental, en raison de la corruption et d’un désintérêt de l’Etat. Les organisations paient des impôts sans en voir les résultats. La communauté de notre région est principalement indigène et vit dans une pauvreté extrême. La principale activité est l’agriculture et le commerce. Seule une minorité est instruite.
Pendant la pandémie, c’est Guaya’b qui a assuré la gestion sanitaire. Grâce à la prime de commerce équitable, nous avons lancé un programme pour lutter contre le travail des enfants, en partenariat avec Save the children : une garderie a été ouverte. Elle permet de sortir des champs les petits enfants et distribue des petits déjeuners et des goûters dans le cadre de campagnes contre la malnutrition.
Par ailleurs, la plateforme nationale du commerce équitable, comptant 23 organisations, joue un rôle majeur. Elle a notamment permis la révision du prix minimum du miel pour y inclure tous les coûts de production et améliorer ainsi les revenus de la population cultivatrice.
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