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Face au risque de détricotage du règlement européen contre la déforestation, les acteur·rices de commerce équitable demandent que ces 12 mois de report soient mis au service de l’inclusion pour ne pas laisser de nombreux paysan·nes sur le bord du chemin

le 10 octobre 2024 par Fédération Artisans du Monde

Commerce Equitable France, dont la Fédération Artisans du Monde est membre, nous livre dans ce communiqué de presse sa position sur la proposition de report du règlement européen sur la déforestation importée.

 

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Commerce Equitable France déplore la décision de report de l’entrée en application du règlement européen de lutte contre la déforestation (RDUE) et craint que derrière une décision technique ne se cache une décision politique de liquidation d’un dispositif ambitieux et original de lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité. Pour les acteurs du commerce équitable, l'urgence est de rendre accessible la mise en conformité à ce règlement européen aux millions de familles paysannes à l’origine du café et du cacao consommés par les Européens. Ils appellent à concentrer les efforts des 12 prochains mois sur les leviers permettant la mise en conformité des filières, à savoir des relations commerciales plus équitables et le renforcement de capacité des coopératives de producteur·rices.

 

Une réglementation clé pour lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité qui constitue un défi de taille pour les petit·es producteur·rices de café et de cacao 

 

Pour les petit·es producteur·rices qui cultivent le café et le cacao sur des petites parcelles de 1 à 4 hectares, ce règlement européen représente un défi majeur, qu’ils participent ou non à la déforestation. Commerce Equitable France, Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) et le Réseau Ivoirien du Commerce Équitable (RICE) ont fait réaliser en 2024 une étude par l’IDEF et BF consult,  “Nouvelles réglementations pour un cacao zéro déforestation : quel rôle et quels coûts pour les coopératives ivoiriennes ?” qui illustre les défis du RDUE. Cette étude montre que pour les petit·es producteur·rices qui vivent dans l’ensemble avec moins de $2 par jour, le coût des investissements technologiques et organisationnels permettant d’assurer la traçabilité des matières premières sont hors de leur portée. Pour couvrir ces investissements, une amélioration des pratiques commerciales qui assurent une prise en charge financière et un engagement dans la durée des entreprises du secteur est indispensable.

 

Une réglementation clé pour lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité qui constitue un défi de taille pour les petit·es producteur·rices de café et de cacao 

 

Pourtant des solutions existent déjà : des entreprises de commerce équitable montrent que des filières traçables et durables sont possibles en misant sur des relations directes avec les coopératives de producteurs, l’équité des relations commerciales, le renforcement et l’autonomie des organisations de producteurs et la traçabilité. 

 

A titre d’exemple, Guy Deberdt, DG de l’entreprise de chocolat biologique et équitable, Kaoka, témoigne « Nos partenariats de long terme avec les producteurs organisés au sein de nos filières nous ont permis d’anticiper la mise en application du règlement, de travailler avec elles sur la mise en place des outils de traçabilité et de co-construire un référentiel et des outils qui nous permettent d’être prêts pour la mise en application du RDUE ».

 

Cet exemple confirme les résultats de l’étude IDEF/BF Consult qui montre que les coopératives certifiées de commerce équitable et qui bénéficient de partenariats commerciaux stables et rémunérateurs sont celles qui sont le plus proches de la conformité aux exigences du RDUE.  

 

Le rôle des certifications de commerce équitable (Fairtrade/MaxHavelaar, SPP ou encore Fair for Life) apparaît comme un facteur majeur de renforcement de capacité organisationnelles des coopératives et d’accompagnement d’un processus d’amélioration continue. Enfin, l’étude confirme le poids du levier économique : parmi les coopératives les plus proches de la conformité, on trouve en effet les coopératives qui bénéficient de contrats de commerce équitable et qui touchent une prime de développement. Celles-ci ont pu réaliser des investissements dans des dispositifs de traçabilité et des systèmes de gestion et d’information robustes et performants. 

 

Une récente étude de Fairtrade International converge avec ces observations et révèle que leur certification de commerce équitable place les coopératives dans une meilleure position pour protéger la forêt et s’aligner avec les exigences du RDUE. 

 

De son côté, le label de commerce équitable Symbole des Producteurs Paysans (SPP) rappelle lors de son assemblée générale du 12 septembre dernier que [les] “partenaires SPP ont été les précurseurs des principes qui ont récemment conduit la Communauté européenne à adopter la Loi Contre la Déforestation (EUDR). Avec sa nouvelle Norme Environnementale SPP, SPP Global confirme son engagement envers ce même but, sur la base des réalités des familles de petits producteurs”. 

 

Pour José Tissier, président de Commerce Equitable France le report de la mise en application du RDUE pourrait aussi fragiliser les initiatives déjà prise dans le sens de la conformité : “Faisons en sorte que les acteurs économiques - parmi lesquels de nombreux acteurs engagés dans le commerce équitable - qui ont engagé des efforts significatifs pour lutter contre la déforestation  ne soient pas sanctionnés économiquement car placés dans une situation de concurrence déloyale”. 
Gérald Godreuil,  délégué général de la Fédération Artisans du Monde rappelle d’ailleurs que "Sans attendre la mise en œuvre de la réglementation, les acheteurs et consommateurs soucieux de l’environnement et des droits sociaux peuvent déjà faire le choix de soutenir des filières équitables et engagées pour la lutte contre la déforestation".

 

Le report du RDUE doit être mis au service de l’inclusion laisser aucune famille paysanne sur le bord du chemin en s’appuyant sur des relations commerciales véritablement équitables 

 

L’article 11 du RDUE prévoit explicitement que pour assurer la conformité de leurs approvisionnements, les entreprises peuvent fournir de l’assistance à leur partenaires en vue de renforcer leurs capacités et leurs investissements facilitant leur mise en conformité. Pour autant, l’immense majorité des petits producteurs n’ont pas à ce jour bénéficié de soutiens suffisants leur permettant de géoréférencer leurs parcelles de manière autonome et formaliser les preuves permettant de s’assurer qu’ils n’ont pas participé à la déforestation, le cas échéant. C’est pourquoi, pour les acteurs réunis au sein de Commerce Equitable France, les 12 prochains mois doivent être mis au service de l’inclusion de toutes les familles paysannes impliquées dans la production de café et de cacao dans la mise en conformité avec le RDUE. 

 

Accompagner la mise en oeuvre du RDUE implique pour les exportateurs, les négociants ainsi que pour leurs clients, les multinationales du cacao et chocolat ou du café qui mettent ces produits sur le marché européen, de rentrer dans des démarches commerciales plus partenariales avec des engagements d'achats pluriannuels et avec des prix suffisamment rémunérateurs. "Si le report du texte peut être une opportunité pour allouer plus de temps aux producteurs et productrices pour s'y conformer, il ne doit pas être une brèche pour revoir ses exigences à la baisse. La condition sine qua non pour que ce texte ambitieux permette de lutter efficacement contre la déforestation à long terme est un partage équitable de la valeur et de la responsabilité avec l'instauration de relations commerciales qui permettent aux producteurs et productrices d'investir dans leur système de traçabilité et dans des pratiques d'agroforesterie." explique Blaise Desbordes, DG de Max Havelaar France. 

 

En outre, il faut favoriser et soutenir les initiatives dans les Etats producteurs qui favorisent la mise en place de systèmes de traçabilité publics. Pour Christophe Eberhardt, cofondateur de la SCOP Ethiquable : “J’espère que ce délai permettra aux Etats producteurs de finaliser le développement d’un système de traçabilité unifié et public comme cela est prévu en Côte d’Ivoire. Nous défendons aussi l’idée que les organisations paysannes doivent être soutenues dans la maîtrise de leur gestion du géoréférencement et des dispositifs de traçabilité de manière autonome pour de renforcer les dépendances aux géants du secteur”.

 

Enfin, ce délai supplémentaire d’un an devrait être mis à profit par l’Europe pour dialoguer avec la société civile des pays producteurs et consommateurs et les États pour envisager des mesures adaptées à chaque contexte.

 

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