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3 questions à... Tea Promoters India

le 9 janvier 2024 par Fédération Artisans du Monde

Entretien avec Santanu Sarkar, directeur de la production chez Tea Promoters India (organisation productrice de thé indienne, partenaire d’Artisans du Monde), à Montreuil en décembre 2023.

 

“Avec le commerce équitable, les décisions sont prises conjointement par tous et toutes." 

 

 
Quelle est l’organisation sociale d’un « jardin de thé » ? 
 
 
Le thé est une industrie héritée de la colonisation anglaise. Avant le commerce équitable, la structure était très hiérarchique, du haut vers le bas. Lorsque notre fondateur, pionnier de la démarche équitable en Inde, a commencé dans un premier jardin de thé, toute la structure a été mise à plat. Auparavant, les décisions étaient prises par une seule personne. Maintenant, les décisions sont prises conjointement par tous et toutes, les cueilleur·euses, les corps enseignants, l’autorité du village, les groupes de femmes… Tous et toutes se réunissent au sein de différents comités pour être informé·es, discuter, prendre les décisions, identifier et faire remonter les problèmes à la direction. Avec le commerce équitable, les pratiques de production ont changé, mais aussi leur structure.
 
 
Bien sûr, nous sommes soumis à la politique du gouvernement et à la loi sur le travail dans les plantations. Si quelque chose ne va pas dans un jardin de thé, quelqu’un doit être tenu responsable. Cette personne, que nous appelons « manager », est le directeur ou la directrice du jardin de thé. La communication avec l’entreprise ou avec le gouvernement passe par cette personne, puis celle-ci s’adresse aux autres. Mais les décisions sont prises collectivement. Dans les normes et la terminologie du gouvernement, ils et elles sont tous et toutes des « travailleur·euses ». Mais à TPI, on parle de « communauté », c’est la différence entre TPI et les autres plantations. 
 
 
De quelle manière votre organisation agit-elle en faveur des femmes et de l’égalité de genre ? 
 
 
La dimension de genre est très importante pour nous. Dans les jardins de thé, 60% des cueilleuses sont des femmes. Pour remédier à leur faible représentation dans les postes à responsabilité, nous avons nommé des femmes pour la supervision des cueilleuses. Dans notre plus ancien jardin de thé, c’est une femme qui est « manager ». Cela prend du temps, mais pas à pas, les femmes grimpent les échelons. Lorsque des cueilleuses voient des femmes occuper des postes de direction, cela les inspire. 
 
 
L’influence de cette femme, directrice d’un jardin de thé, a permis notamment que la prime de commerce équitable soit allouée à un projet pour la santé et l’hygiène des femmes. Le problème de la stigmatisation des femmes lors de leurs menstruations a été pointé du doigt. En Inde, les femmes sont tenues à l’écart quand elles ont leurs règles, et elles ne peuvent pas travailler. Nous avons pris conscience de la nécessité d’une aide extérieure pour informer et sensibiliser la communauté sur cette question. Nous avons donc fait venir l’ONG Unipads pour distribuer des serviettes hygiéniques réutilisables aux femmes et expliquer la démarche. Au début, les femmes avaient honte et ne voulaient pas les utiliser. Mais toute la communauté s’est mobilisée, y compris les hommes, pour briser ce tabou. Ce projet, un des plus ambitieux de notre organisation, a ensuite été étendu à d’autres jardins de thé. 
 
 
Comment l’approche agroécologique de Tea Promoters India répond-t-elle aux défis environnementaux du climat et de la biodiversité ? 
 
 
Dans la production du thé, on observe la présence de plus en plus élevée de nuisibles. L’utilisation de pesticides dans les plantations conventionnelles crée un cercle vicieux : pour chaque nouveau pesticide mis au point, les insectes développent une immunité. De plus, avec le changement climatique, on voit aussi apparaître de nouveaux ravageurs. 
 
 
Chez Tea Promoters India (TPI), nous maintenons un équilibre écologique dans les plantations de thé. Lorsque je vais voir un·e agriculteur·rice, je lui dis « regardez la forêt, il n'y a personne pour s'en occuper, pourtant, elle se porte très bien ». Nous avons diversifié la faune et la flore, les animaux sont venus, ils sont heureux de rester et de nous aider à maintenir l'équilibre écologique. Il y a beaucoup d'oiseaux parce que nous avons planté des arbres nourriciers, et les oiseaux mangent les insectes. Nous permettons à nos animaux de s’abreuver aux points d’eau. Le calao bicorne [grand oiseau tropical] est réapparu dans certains de nos domaines du Darjeeling. Dans nos jardins de thé, les coccinelles sont présentes en très grand nombre. C’est un indicateur de bonne saison et d’une production biologique sans utilisation de produits chimiques. Les coccinelles sont aussi des prédateurs, elles mangent les insectes nuisibles. Nous utilisons la coccinelle comme un symbole dans l’identité de notre organisation.  
 
 
Un autre défi est le changement du climat. La température a augmenté, le climat est devenu très sec. Les pluies sont localisées et très intenses, elles lessivent le sol et provoquent son érosion. Avec la chaleur, le soleil, la sécheresse, les récoltes ont tendance à diminuer. Nous créons donc des tanks d’eau, pour que l’eau de pluie s’y accumule. Cette eau permet de créer un microclimat, et sert pour l’irrigation pendant la saison sèche. Nous plantons aussi différents arbres sur les pentes pour lutter contre le détachement du sol.
 
 

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